Monday, August 28, 2006

LOIN-DU-PAYS-NATAL

Walter Tevis


Edition originale, Far from home, 1981
Editions Denoël, Présence du futur, 1982



Extractions

Comme d’habitude, sa voix trahissait une réserve. Il y avait toujours un « mais » derrière ses compliments.
Des années durant, Barney était resté impassible devant cette façon qu’avait sa mère de donner par les mots et de reprendre par l’intonation.
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Il avait donc sept mille dollars pour passer un an à New-York avec Janet, réapprendre à peindre et devenir cet artiste financièrement indépendant qui avait hanté ses rêves à l’arrière goût de whisky.

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Mais ce n’était pas une hallucination, à moins que le clochard et sa conversation avec lui n’aient également été des hallucinations. Il vérifia le contenu de son portefeuille et constata qu’il manquait effectivement deux dollars. Où auraient-ils bien u être passés si le clochard n’avait été qu’un produit de son imagination ? Il ne leur avait quand même pas mangés ! Si jamais c’était le cas, le problème était de toute façon réglé et il se trouvait en réalité quelque part dans une camisole de force, nourri par intraveineuses tandis qu’un psychiatre prenait des notes.

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Mais d’un autre côté, cela faisait plus d’un an qu’il appelait la mort de tous ses vœux et qu’il pensait au suicide avec la même intensité que ses collègues à leur avancement. C’était peut-être pour cette raison qu’il était indifférent à son sort. Si quelque chose lui déplaisait trop, il pourrait toujours se tuer.

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Séjournant ici, dans les limbes, j’ai découvert que je pouvais revenir apporter des changements à ma vie passée. J’ai calculé qu’il s’est écoulé dix-sept ans depuis le jour de ma mort à Columbus dans l’Ohio. Il y a environ deux ans que j’ai appris à retourner vers différents moments de mon existence pour les rectifier. C’est une tâche difficile, mais gratifiante. Et à quoi d’autre un mort pourrait-il s’occuper ?
Je ne souffre ici, sous le ciel pâle où ne brille nul soleil, d’aucun inconfort physique ; l’ennui et le vide qui composent mon existence sont loin d’être insupportables. Ce n’est pas pire que lorsque j’étais vivant. Je n’ai ici personne à qui parler et, à vrai dire, pas grand-chose à penser en dehors de ces cinquante et un ans qu’il m’a été donné de vivre. De l’endroit où je me trouve, je vois ces années comme un tout, un circuit imprimé et complexe ou un tableau expressionniste abstrait. Je sais que, çà et là, un petit élément peut-être changé, une diode ou un trait de pinceau, et que le schéma tout entier en sera transformé.


READ DURING WEEK 29&30/06

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