Tuesday, January 17, 2006

TOUS-LES-PIEGES-DE-LA-TERRE

Clifford D. SIMAK

Edition originale: All The Traps of Earth And Others Stories, 1962
Denoel, Présence du Futur, 1963

Extraits

Il repoussa son siège, s’éloigna du bureau et traversa à pas lents le salon où s’entassaient les possessions anciennes de la famille. Là, au-dessus de la cheminée, l’épée que Jonathan l’Ancien avait portée au cours de la guerre entre les Etats. Au-dessous, sous la tablette, la coupe remportée par le capitaine de marine marchande et son vaillant vaisseau, le vase de poussière lunaire rapporté par Tony lors du cinquième débarquement de l’Homme sur la Lune, et la vieille horloge de bord, seul vestige de l’antique fusée familiale qui faisait la navette entre les astres, fusée depuis longtemps à la ferraille. Enfin, faisant le tour de la pièce, se touchant presque, les portraits de famille, les vieux visages disparus qui continuaient à contempler l’univers qu’ils avaient contribué à bâtir. Pas un seul qu’il n’ait connu, se dit Richard Daniel tout en les passant en revue, au cours des six derniers siècles du moins.

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Qu’était-il en définitive ? Encore un robot ou déjà quelque chose d’autre ? Une machine était-elle susceptible d’évoluer, comme un Homme ? Qu’était-il donc ? Pas un homme, bien sûr, il ne le serait jamais. Mais n’était-il encore qu’une machine ?

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C’est peut-être nous qui avons tort, conclut-il. La vie n’a peut-être pas la valeur que nous lui accordons. Peut-être ne vaut-elle pas la peine qu’on s’y accroche avec tant de frénésie… Ou qu’on se batte pour la conserver. En se laissant mourir, ces Créatures sont peut-être plus près de la vérité que nous.


READ DURING WEEK 01/06


A-PIED-A-CHEVAL-ET-EN-FUSEE

Clifford D. SIMAK

Edition originale: Destiny Doll, 1971
Denoel, Présence du Futur,
1974

Extraits

C’est un voyage, me dis-je, que je n’aurais jamais dû entreprendre. J’en avais toujours été persuadé. Je n’y avais jamais cru, depuis le départ. Et pour entreprendre quelque chose, Il faut y croire. Il Faut toujours avoir une raison de le faire.

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Une légende. Façonnée au cours des années par des menteurs accomplis, mais sans malveillance. On prend un fait insignifiant que l’on déforme et que l’on entremêle à d’autres faits insignifiants, jusqu’à ce que tous ces petits faits, arbitrairement reliés entre eux, forment un ensemble si embrouillé qu’il n’y a plus le moindre espoir de distinguer ce qui est solide réalité de ce qui n’est que pure fiction.

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Voilà l’ennui avec les femmes. Aucune logique. Elle me dit que cet imbécile de Smith est arrivé là où il voulait arrivé. Mais quand je dis la même chose, elle n’est plus d’accord.

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« Comment se fait-il qu’il vous soit si difficile d’admettre quelque chose que vous ne pouvez ni voir ni toucher ? Pourquoi voulez-vous à tout prix que tous les mystères aient une solution ? Pourquoi ne pouvez-vous parler qu’en termes de lois physiques ? N’y a-t-il donc pas de place dans vos esprits étroits pour quelque chose d’autre ? »

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C’est tout de même un monde, pensai-je, qu’un homme ne réfléchisse à la meilleure façon de faire une chose qu’après l’avoir faite.

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Peut-être était-elle plus sensible que moi, peut-être avait-elle vu des choses que je n’avais pas vues, ou interprété différemment certaines impressions que nous avions ressenties l’un et l’autre. Impossible, je m’en rendais compte, de savoir ou de comprendre, ou même de deviner comment fonctionnait l’esprit de quelqu’un, quelles sensations il pouvait enregistrer, comment elles prenaient forme et comment elles étaient interprétées, ou quel effet elles pouvaient avoir sur l’intellect et les sens dudit cerveau.

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Pourquoi serait-ce différent de la vie que nous vivons en ce moment ? Comment savons-nous que ce n’est pas le même genre de vie que nous vivions en ce moment ? Comment pouvez-vous juger de la réalité ?

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Il me regarda pendant un long moment, comme s’il se demandait s’il devait m’en dire plus, puis il posa une question : « Que savez-vous, capitaine ,de la réalité ? »
Je haussai les épaules. C’était une question idiote.


READ DURING WEEK 52/05


DERNIERE-CONVERSATION-AVANT...

Gwen Lee & Doris Elaine Sauter

Edition originale: What If Our World Is Their Heaven ?
The Final Conversation of Philip K. Dick, 2000
Philip K. Dick : dernière conversation avant les étoiles
Editions De l’Eclat, 2005

Extraits

Et ils analysent l’espèce humaine en ces termes : ces gens y voient, c’est une espèce voyante, mais leurs capacités visuelles sont très réduites. Car eux, c’est leur seul sens, en fait, puisqu’ils n’ont pas la capacité d’entendre ; alors leurs aptitudes visuelles sont immenses. Ils perçoivent des variations dans les couleurs qui nous échappent complètement. Ils voient des milliers de couleurs là où nous n’en percevons que dix. Pour eux, ce que nous, nous appelons « rouge » représenterait des centaines de nuances différentes. C’est comme les Esquimaux, qui ont euh… quinze ou vingt mots pour dire « la neige » chacun décrivant un état légèrement différent de la neige, tu vois.

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Imagine par exemple que tu es une de ces créatures, sur cette planète qui emploie un langage à base de couleurs, ne connaît ni les mots ni les sons, ignore totalement l’existence du son ; cette créature fait une expérience mystique et entend tout à coup de la musique. Que va-t-elle dire à son entourage ?

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Oui, oui, j’ai un titre. Ça s’appelle The Owl in Daylight. C’est une expression populaire employée dans le Sud qui signifie qu’on a pas les idées claires. Parce que les hiboux, c’est aveugle en plein jour. Ça ne voit rien du tout. Ça perd le sens de l’orientation, ça vole droit dans les obstacles et ça se fait tuer ; ça veut juste faire allusion à quelqu’un qui n’a pas les idées claires. J’ai entendu ça dans la bouche d’un personnage de série télé et ça m’a fait une grande impression. Et ce que je voulais, c’était parler d’un type qui pousse ses facultés mentales au maximum. Conscient qu’il a atteint ses limites, il prend la décision délibérée d’aller encore plus loin et d’en payer les conséquences. Là-dessus, je me suis rendu compte que c’était une simple reformulation de tout le mythe faustien – car c’est de ça qu’il s’agit, en fin de compte, dans ce mythe : la poursuite de ce qui, pour un être créatif, représente une forme de vision artistique, les conséquences passent au second plan.

Et je commence à me rendre compte, en ce qui me concerne personnellement, que… même si, à mon avis, le niveau de ce que j’écris augmente en permanence, ma… ma résistance physique est très loin de ce qu’elle a pu être par le passé. Par ailleurs, je mène tellement plus de recherches que quand je me lance dans un livre, ça m’use énormément…


READ DURING WEEK 51/05


LE-BREAKFAST-DU-CHAMPION

Kurt Vonnegut Jr

Edition originale: Breakfast of Champions
Editions J’ai Lu, 1974

Extraits

J’ai tendance à considérer les êtres humains comme de gros tubes à essai, en matière plastique, remplis à l’intérieur de substances chimiques en réaction.

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Quand je crée un personnage de roman, je suis fortement tenté de penser qu’il est comme il est à cause de petites erreurs de connexion, ou du fait de quantités microscopiques de substances chimiques que j’ai avalées, ou oublié d’avaler, justement ce jour-là.

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Je crois que je suis en train d’essayer de me faire une tête aussi vide qu’elle pouvait l’être à mon arrivée sur cette planète ébréchée – il y a de cela cinquante ans.

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S’ils examinaient leurs billets de banque, pour y découvrir un indice des buts que poursuivait leur pays, ils voyaient apparaître, au milieu de diverses autres formes baroques, le dessin d’une pyramide tronquée, surmontée d’un œil brillant. Le président des Etats-Unis lui-même aurait été fort en peine de dire ce que cela pouvait signifier. C’était un peu comme si le pays déclarait à ses citoyens : « La force est dans l’absurdité ».

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1492 : les instituteurs disaient aux enfants qu’il s’agissait là de la date de la découverte de leur continent par des êtres humains. En réalité, en 1492, des millions d’êtres humains vivaient déjà sur ce continent, d’une vie imaginative et bien remplie ; et il s’agissait simplement de la date où des pirates venus de la mer avaient entrepris de les tromper, de les piller, de les exterminer.

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Mais personne ne voulait l’écouter. Il n’était qu’un vieillard crasseux qui criait dans le désert, dans les arbres et dans les broussailles : « Les idées ou l’absence d’idées sont des causes de maladie ».

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Le seul compagnon nocturne de Dwayne était un chien, un labrador, qui répondait au nom de Sparky. A la suite d’une collision fortuite avec une automobile, un certain nombre d’années auparavant, Sparky était devenu incapable de remuer la queue, de sorte qu’il lui était impossible de montrer aux autres chiens à quel point ses intentions pouvaient être amicales. Sans cesse il lui fallait se battre. Ses oreilles étaient en loques. Il était couvert de cicatrice.

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Il disait à Bill que l’humanité méritait d’avoir une mort horrible pour avoir fait preuve de tant de cruauté et pour avoir dévasté une aussi belle planète.

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Kago ignorait que les êtres humains puissent être détruits par une idée aussi aisément que par le choléra ou la peste bubonique. Il n’existait par sur Terre la moindre procédure d’immunisation contre les idées stupides.

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C’étaient des filles de la campagne. Elles avaient grandi dans une région rurale du Sud, où leurs ancêtres avaient longtemps servi de machines agricoles.

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- Pour mon frère, c’est pire encore, poursuivit le conducteur. Il travaille dans une usine de produits chimiques, qui doivent exterminer les plantes et les arbres, au Vietnam.
Le Vietnam était un pays où l’Amérique essayait d’empêcher les populations de devenir communistes, en le arrosant, par avion, de produits divers. Les produits chimiques auxquels le conducteur faisait allusion avaient pour but de défolier la surface du sol, afin qu’il devienne très difficile pour les Communistes d’être hors de vue des avions.
- T’en fais pas pour ça ,dit Trout
- A la longue, il est en train de se suicider, dit le conducteur. On dirait aujourd’hui que les seuls boulots qu’un Américain puisse trouver, c’est quelque chose qui, d’un façon ou d’une autre, le conduit au suicide.
- Excellente remarque, répondit Trout.

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Il avait depuis longtemps cessé de se tourmenter à propos de la façon dont les choses devraient se présenter sur la planète, par contraste avec ce que l’on y voyait en réalité. Pour la Terre, il n’y avait pas d’autre moyen d’exister que la façon dont elle existait réellement.
Tout y était nécessaire. Il vit une vieille femme blanche en train d’explorer le contenu d’une boîte à ordures. C’était par nécessité. Il vit un jouet pour la baignoire, un canard en caoutchouc – couché sur le côté sur la grille d’une bouche d’égout. Il fallait qu’il soit là. Et ainsi de suite.

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La serveuse qui s’occupait de Dwayne au Burger Chef était une jeune Blanche de dix-sept ans qui s’appelait Patty Keene. C’était une blonde aux yeux bleus. Pour un mammifère, elle était d’un âge fort avancé. A l’âge de dix-sept ans, la plupart des mammifères sont séniles ou morts. Mais Patty appartenait à une espèce de mammifères qui se développait très lentement, de sorte que le corps dont elle se servait arrivait à peine à maturité.

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Il paraissait à présent à peu près aussi aimable et détendu qu’in serpent à sonnette enroulé sur ses anneaux. C’étaient évidemment les substances chimiques nocives qui le contraignaient à prendre cette apparence. Le Créateur de l’Univers lui a attaché une crécelle à la queue. Le Créateur lui a également donné des dents de devant qui sont des seringues hypodermiques remplies d’un poison mortel.
Il arrive parfois que je m’interroge sur les desseins du Créateur de l’Univers.

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Dans ce bar, contemplant à travers mes vides un monde de mon invention, je murmurai tou bas : schizophrénie.
Le mot m’avait fasciné depuis des années par son aspect et sa sonorité. Il me semblait entendre et voir un être humain humer l’air dans un blizzard de bulles de savon.
Je n’étais pas sûr – et ne le suis toujours pas – d’être vraiment atteint de cette maladie. Je ne savais qu’une chose : j’étais horriblement tourmenté de ne pouvoir concentrer mon attention sur des détails de la vie qui ont une importance immédiate, et de refuser de croire ce que croyaient mes voisins.

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La serveuse m’apporta une autre consommation. Elle aurait voulu rallumer ma lampe-tempête, et je ne voulais pas.
- Comment pouvez-vous y voir dans le noir, avec vos lunettes de soleil ? me demanda-t-elle.
- Tout le spectacle est dans ma tête.

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Kilgore Trout avait écrit une nouvelle, dont le sujet était un dialogue entre deux micro-levures. Celles-ci discutaient ensemble des buts essentiels de l’existence, tout en mangeant du sucre et en étouffant dans leurs excréments. Du fait de leur intelligence limitée, elles n’arrivaient jamais à comprendre qu’elles étaient en train de fabriquer du champagne.

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Trout se rendait également compte de ma présence. Et cela le mettait plus mal à l’aise que le regard de Dwayne. La raison en était que, parmi tous les personnages que j’avais créés, Trout était le seul à avoir assez d’imagination pour soupçonner qu’il pouvait être lui même la création d’un autre être humain. Il avait plusieurs fois envisagé cette éventualité, au cours de ses conversations avec son perroquet. Il lui disait, par exemple :
Bon Dieu, Bill, de la façon dont les choses se présentent, je ne peux pas m’enlever de la tête que je suis un personnage dans le livre d’un type qui a voulu raconter l’histoire de quelqu’un qui aura passé sa vie à souffrir.

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Disons incidemment que nous sommes, tous autant que nous sommes, collés à la surface d’une boule. La planète est sphérique. Personne n’a jamais pu savoir pourquoi nous n’en tombons pas, même si tout un chacun se flatte vaguement de le comprendre.
Les plus malins ont parfaitement compris que l’une des meilleures façons de s’enrichir est de posséder une portion convenable de la surface où tout le monde doit rester collé.

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Vous êtes démoralisé, comment ne le seriez vous pas ? C’est évidemment une chose éreintante que d’avoir sans cesse à raisonner dans un univers qui n’a jamais été fait pour être raisonnable.

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Vos parents étaient des machines combattantes et des machines qui s’apitoyaient sur leur sort, poursuivait le livre. Votre mère avait été programmée pour reprocher sans cesse à votre père d’être une machine à sous détraquée, et votre père avait été programmé pour reprocher à sa femme d’être une machine ménagère hors d’état de fonctionner. Ils avaient été programmés tous deux pour s’accuser réciproquement d’être des machines à faire l’amour défectueuses.
De plus, votre père avait été programmé pour quitter la maison en claquant la porte, ce qui, automatiquement, transformait votre mère en machine larmoyante. Et votre père allait s’attabler dans un bistrot, pour s’y saouler en compagnie d’autres machines biberonnantes ; ensuite, toutes les machines titubantes s’en allaient ensemble au bordel afin d’y louer des machines à baiser. Ensuite, votre père retournait péniblement à la maison, pour se transformer en pitoyable machine à excuses. Et votre mère mettait beaucoup trop longtemps à devenir une machine pardonnante.

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De nombreuses personnes, à Midland City, plaçaient des objets provenant de Hawaii, ou de Mexico, ou d’autres endroits similaires, sur des tables de salon, sur des commodes, ou sur une quelconque étagère – et l’on appelait ce genre d’objets des sujets de conversation.


READ DURING WEEK 50/05


PROJET-VATICAN-XVII

Clifford D. SIMAK

Edition originale: Project Pope, 1981
Editions J’ai Lu, 1982

Extraits

Si l’on se place sur le plan du réalisme, il n’y a aucune raison de croire que, dans l’état actuel de la technologie, un mécanisme pensant artificiel doive par nécessité être intellectuellement inférieur au cerveau humain.

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Vatican XVII, ce Vatican, a été construit il y a près d’un millénaire par un groupe de robots venus de la Terre. Sur Terre, ils ne pouvaient pratiquer aucune religion. L’accès au culte leur serait interdit. Je crois savoir qu’il en va différemment dans certains endroits, aujourd’hui. Les robots peuvent recevoir les sacrements.

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Un de nos Ecoutants, avec qui nous travaillons depuis plusieurs années, voyage dans le passé. Et pas au petit bonheur : il remonte sa lignée ancestrale,. Pourquoi se déplace-t-il dans cette direction ? Personne ne le sait, ni nous ni lui. On le découvrira peut-être un jour. Il s’enfonce toujours plus loin dans le passé, il plonge dans la nuit des millénaires à la recherche, semble-t-il, de la chaîne de créatures dont il est issu. L’autre jour, il était un trilobite.

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- Oui, et voilà sans doute pourquoi les robots pensent peut-être que nous sommes encore chrétiens. Au fond du cœur. Ce qui n’est d’ailleurs pas forcément une tare.
- Bien sûr que non, Jason. Mais en quittant la Terre, l’humanité a perdu beaucoup de choses. Ou en a jeté beaucoup par-dessus bord. Bien des hommes ne savent plus ce qu’ils sont exactement.

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Je crois pour ma part que la foi est indissociablement liée à la connaissance, à un savoir spécifique, peut-être, mais que pour l’acquérir, pour obtenir cette réponse unique, il faut en recueillir des quantités d’autres.

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- Se prendre pour Dieu n’est pas une idée nouvelle. L’exemple le plus flagrant est la race qu’Ernie a découverte, il y a quelques années. Vous vous souvenez ?
- Celle qui crée des mondes qu’elle peuple d’êtres issus de son imagination ?
- Exactement mais ce sont des mondes biologiques. Il ne s’agit pas d’une poignée de bout de bois et d’un peu de boue, le tout assorti de quelques abracadabras. Ils sont bien conçus avec tous les ingrédients nécessaires à la création d’une planète. Ce n’est pas du toc. Les composants indispensables sont là, agencés comme il convient. Et les créatures qu’on y a mises sont dans le droit fil de la logique, elles aussi. Certaines sont d’invraisemblables aberrations biologiques mais ça fonctionne.

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- Vous autres, humains, êtes capables et d’aimer et de haïr. Je m’éprouve, quant à moi, ni amour ni haine. Je crois que c’est un point en notre faveur. Vous avez vos rêves et j’ai les miens mais mes rêves ne sauraient recouper les vôtres. Vous avez les arts, la musique, la peinture, la littérature. Si je m’incline devant le fait qu’ils existent et reconnais leurs fonctions et les joies qu’ils procurent, ils me laissent insensibles.
- Peut-être que la foi, elle aussi est un art, Votre Sainteté, répliqua Jill.

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Au cours des millénaires, le Centre avait recensé des centaines, peut-être de milliers de cultes différents. En dépit des difficultés que représentait cette étude, ils avaient systématiquement et méthodiquement examinés, testés et tous sans exception avaient été jugés ineptes. On ne s’était d’ailleurs pas borné à en déduire que tous les dieux étaient de faux dieux. On était allé plus loin : on était arrivé à la conclusion que, débiles ou puissants, vrais ou faux, il n’y avait pas de dieux. En définitive, ces systèmes n’étaient rien de plus que des chimères complaisamment inventées et exaltées par des êtres veules aspirant à se protéger des dures réalités de l’existence, à nier cette évidence accablante : personne ne se souciait de l’univers.



READ DURING WEEK 48-49/05