Wednesday, October 31, 2007

LA-MORT-D'IVAN-ILLITCH


Léon TOLSTOI
La mort d’Ivan Illitch - Maître et serviteur - Trois morts

Le Livre de Poche, 1976
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Ivan Illitch mourut à l’âge de quarante-cinq ans, dans la robe de conseiller à la cour d’appel. Il était le fils d’un fonctionnaire, d’un de ces fonctionnaires pétersbourgeois qui vont de département en ministère et finissent par faire une carrière qui établit, sans erreur possible, que ces gens-là sont inaptes à occuper un poste de quelconque importance.

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A tout prendre, son installation ressemblait comme deux gouttes d’eau à celle de tous les gens qui, sans être riches, veulent passer pour tels et, en définitive, se copient les uns les autres.

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Renonçant à son enjouement, le médecin commence d’ausculter gravement son malade, prends le pouls, la température, palpe, percute…
Ivan Illitch sait pertinemment qu’on le trompe et se trompe, mais lorsque le praticien s’agenouille devant lui, se penche sur son corps, appuie l’oreille plus haut, plus bas, se livre enfin à toute une savante gymnastique, d’un air imperturbable, Ivan Illitch dis-je, se laisse convaincre, exactement comme autrefois il lui arrivait de prendre au sérieux la plaidoirie d’un avocat, bien qu’il sût pertinemment que l’homme mentait et avait de bonnes raisons de le faire…

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…l’image de la pierre, lancée dans le vide et soumise aux lois de l’accélération, se grava dans son âme. La vie n’est qu’une suite de souffrances croissantes, tendant irrésistiblement vers l’unique solution, la plus douloureuse.

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Ses vêtements, sa silhouette, l’expression de ses traits, le son de sa voix – tout cela lui avait crié à l’unisson : « C’est faux, c’est faux ! Toute ton existence n’a été qu’un perpétuel mensonge, destiné à masquer les questions de vie et de mort ! »

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Depuis le moment où il était assis, enveloppé dans la serpillière, sous l’arrière du traîneau, Nikita était demeuré immobile. Comme tous ceux qui vivent près de la nature et qui connaissent la misère, il était patient et pouvait attendre des heures, des journées entières sans éprouver ni inquiétude, ni irritation.




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Thursday, October 25, 2007

LE-JOUEUR-D'ECHECS


Stefan Zweig
Le joueur d’échecs

1943, Bermann-Fischer, Stockholm
1981, 2000, Editions Stock
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Ces propos de mon ami ne manquèrent pas d’exciter ma curiosité. Les gens qui sont possédés par une seule idée m’ont toujours intrigué, car plus un esprit se limite, plus il touche par ailleurs à l’infini. Ces gens, qui vivent solitaires en apparence, construisent, avec leurs matériaux particuliers et à la manière des termites, des mondes en raccourci d’un caractère tout à fait remarquable.

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Comment s’imaginer un homme qui considère comme un exploit le fait d’ouvrir le jeu avec le cavalier plutôt qu’avec un autre pion, et qui inscrit sa pauvre petite part d’immortalité au coin d’un livre consacré aux échecs. Comment se figurer enfin un homme, un homme doué d’intelligence, qui puisse, sans devenir fou, et pendant dix, vingt, trente, quarante ans, tendre de toute la force de sa pensée vers ce but ridicule : acculer un roi de bois dans l’angle d’une planchette !




READ DURING WEEK 42/07

Friday, October 19, 2007

LA-CHUTE


Albert CAMUS
LA CHUTE

Editions Gallimard, 1956
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Quand on a beaucoup médité sur l’homme, par métier ou par vocation, il arrive qu’on éprouve de la nostalgie pour les primates. Ils n’ont pas, eux, d’arrière-pensées.

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Je rêve parfois de ce que diront de nous les historiens futurs. Une phrase leur suffira pour l’homme moderne : il forniquait et lisait les journaux. Après cette forte définition, le sujet sera, si j’ose dire, épuisé.

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On ne peut pas nier que, pour le moment, du moins, il faille des juges, n’est-ce pas ? Pourtant, je ne pouvais comprendre qu’un homme se désignât lui-même pour exercer cette surprenante fonction. Je l’admettais, puisque je le voyais, mais un peu comme j’admettais les sauterelles. Avec la différence que les invasions de ces orthoptères ne m’ont jamais rapporté un centime, tandis que je gagnais ma vie en dialoguant avec des gens que je méprisais.

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Comme beaucoup d’hommes, ils n’en pouvaient plus de l’anonymat et cette impatience avait pu, en partie, les mener à de fâcheuses extrémités. Pour être connu, il suffit en somme de tuer sa concierge. Malheureusement, il s’agit d’une réputation éphémère, tant il y a de concierges qui méritent et reçoivent le couteau. Le crime tient sans trêve le devant de la scène, mais le criminel n’y figure que fugitivement, pour être aussitôt remplacé.

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Peut-être n’aimons-nous pas assez la vie ? Avez-vous remarqué que la mort seule réveille nos sentiments ? Comme nous aimons les amis qui viennent de nous quitter, n’est-ce pas ? Comme nous admirons ceux de nos maîtres qui ne parlent plus, la bouche pleine de terre ! L’hommage vient alors tout naturellement, cet hommage que, peut-être, ils avaient attendu de nous toute leur vie. Mais savez-vous pourquoi nous sommes toujours plus justes et plus généreux avec les morts ? La raison est simple ! Avec eux, il n’y a pas d’obligation… Non c’est le mort frais que nous aimons chez nos amis, le mort douloureux, notre émotion, nous-mêmes enfin !

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Ils ont besoin de la tragédie, que voulez-vous, c’est leur petite transcendance, c’est leur apéritif.

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L’esclavage, ah ! Mais non, nous sommes contre ! Qu’on soit contraint de l’installer chez soi, ou dans les usines, bon, c’est dans l’ordre des choses, mais s’en vanter, c’est le comble.

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J’avançais ainsi à la surface de la vie, dans les mots en quelque sorte, jamais dans la réalité. Tous ces livres à peine lus, ces amis à peine aimés, ces villes à peine visitées, ces femmes à peine prises ! Je faisais des gestes par ennui, ou par distraction. Les êtres suivaient, ils voulaient s’accrocher, mais il n’y avait rien, et c’était le malheur. Pour eux. Car, pour moi, j’oubliais. Je ne me suis jamais souvenu que de moi-même.

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Vous savez ce qu’est le charme : une manière de s’entendre répondre oui sans avoir posé aucune question claire.

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Croyez-moi, pour certains êtres, au moins, ne pas prendre ce qu’on ne désire pas est la chose la plus difficile du monde.

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Les hommes ne sont convaincus de vos raisons, de votre sincérité, et de la gravité de vos peines, que par votre mort. Tant que vous êtes en vie, votre cas est douteux, vous n’avez droit qu’à leur scepticisme.

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On ne vous pardonne votre bonheur et vos succès que si vous consentez généreusement à les partager. Mais pour être heureux, il ne faut pas trop s’occuper des autres. Dès lors, les issues sont fermées.

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On appelle vérités premières celles qu’on découvre après toutes les autres, voilà tout.

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J’ai compris alors, à force de fouiller dans ma mémoire, que la modestie m’aidait à briller, l’humilité à vaincre et la vertu à opprimer. Je faisais la guerre par des moyens pacifiques et j’obtenais enfin, par les moyens du désintéressement, tout ce que je convoitais.

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Je n’ai jamais pu croire profondément que les affaires humaines fussent choses sérieuses. Où était le sérieux, je n’en savais rien, sinon qu’il n’était pas dans tout ceci que je voyais et qui m’apparaissait seulement comme un jeu amusant, ou importun. Il y a vraiment des efforts et des convictions que je n’ai jamais compris. Je regardais toujours d’un air étonné, et un peu soupçonneux, ces étranges créatures qui mouraient pour de l’argent et se désespéraient pour la perte d’une « situation » ou se sacrifiaient avec de grands airs pour la prospérité de leur famille. Je comprenais mieux cet ami qui s’était mis en tête de ne plus fumer et, à force de volonté, y avait réussi. Un matin, il ouvrit le journal, lut que la première bombe H avait explosé, s’instruisit de ses admirables effets et entra sans délai dans un bureau de tabac.

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J’essayai alors de renoncer aux femmes d’une certaine manière, et de vivre en état de chasteté. Après tout, leur amitié devait me suffire. Mais cela revenait à renoncer au jeu. Hors du désir, les femmes m’ennuyèrent au-delà de toute attente et, visiblement, je les ennuyais aussi. Plus de jeu, plus de théâtre, j’étais sans doute dans la vérité. Mais la vérité, cher ami, est assommante.

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Parce que je désirais la vie éternelle, je couchais donc avec des putains et je buvais pendant des nuits. Le matin bien sûr, j’avais dans la bouche le goût amer de la condition mortelle.

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Dans la solitude, la fatigue aidant, que voulez-vous, on se prend volontiers pour un prophète. Après tout, c’est bien là ce que je suis, réfugié dans un désert de pierres, de brumes et d’eaux pourries, prophète vide pour temps médiocres, Elie sans messie, bourré de fièvre et d’alcool, le dos collé à cette porte moisie, le doigt levé vers un ciel bas, couvrant d’imprécations des hommes sans loi qui ne peuvent supporter aucun jugement. Car ils ne peuvent le supporter, très cher, et c’est toute la question.

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Ma grande idée est qu’il faut pardonner au pape. D’abord, il en a besoin plus que personne. Ensuite, c’est la seule manière de se mettre au-dessus de lui…




READ DURING WEEK 35/07

Tuesday, October 02, 2007

L'ACACIA


Claude SIMON
L'ACACIA

1989/2003 Les Editions de Minuit
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(L’homme corpulent – pas obèse : corpulent – aux grosses moustaches déjà blanches, vêtu d’un uniforme noir et d’une houppelande à pèlerine semblable à un camail de chanoine, et que les intrigues compliquées d’états-majors, de loges maçonniques et des salons du faubourg Saint-Germain avaient placé à la tête de l’armée en considération peut-être d’un placidité et d’une capacité de sommeil presque illimitée)

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l’Etat qui l’entretenait passait pour ainsi dire avec lui un contrat à l’échéance duquel la seule chose qu’on lui demanderait en échange, une fois devenu insensible à la fatigue, exercé au maniement des armes et capable de réciter par cœur le Manuel du gradé en campagne, serait non pas tant de se battre, non pas tant même de mourir que de le faire d’une certaine façon, c’est-à-dire (de même que l’acrobate ou la danseuse étoile revêtus de collants rapiécés transpirent et se désarticulent en coulisse au son d’un piano désaccordé ou dans les exhalaisons ammoniacales des fauves en vue du bref et fugitif instant d’équilibre instable, l’apothéose orchestrale ou le roulement de tambour pendant lesquels ils s’immobiliseront, bras arrondis, moulés de paillettes, souriants, gracieux, éphémères et impondérables sous les tonnerres d’applaudissements) seulement de se tenir vingt ans plus tard debout, bien en vue, les galons de son képi étincelant au soleil, ses inutiles jumelles à la main, patientant jusqu’à ce qu’un morceau de métal lui fasse éclater la cervelle.

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Comme si le photographe avait saisi ce fugace instant d’immobilité, d’équilibre, où parvenue à l’apogée de sa trajectoire et avant d’être de nouveau happée par les lois de la gravitation la trapéziste se trouve en quelque sorte dans un état d’apesanteur, libérée des contraintes de la matière, pouvant croire le temps d’un éblouissement qu’elle ne retombera jamais, qu’elle restera ainsi à jamais suspendue dans l’aveuglante lumière des projecteurs au dessus du vide, du noir. Et peut-être le crut-elle, réussit-elle à le croire, à s’en persuader, ou peut-être réussit-il, lui, à le lui faire croire encore, alors que déjà la courbe de la trajectoire commençait à basculer, puis à s’infléchir, puis à chuter pour de bon, la précipitant vers le bas avec la même vertigineuse vitesse qui avait présidé à son ascension, quoique tout continuât encore un moment comme si rien n’avait changé.

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Le temps en train de s’enfuir aussi cependant que diminuait jour après jour, heure après heure, à chaque tour d’hélice, cette étendue d’eau sur laquelle, confusément, elle pouvait encore se sentir hors d’atteinte, silencieux tous deux, ou peut-être chuchotant, lui du moins, tandis qu’elle pétrissait entre ses mains le journal aux gros titres acheté à l’escale, les sommets des mâts oscillant lentement sous les étoiles indifférentes, et lui se penchant encore, rapprochant encore d’elle son visage amaigri ou plutôt émacié, ardent, avec cette barbe qu’il taillait court maintenant, noire dans la nuit, lui rongeant les joues, comme celle que laissent pousser les malades, son transparent regard de faïence comme déjà absent, ailleurs, comme un démenti à ses paroles, et par moments quelque gerbe d’étincelles rougeoyantes s’élançant de la cheminée au-dessus d’eux, tournoyant, affolée, s’éteignant, emportée dans les noires volutes de fumée, et toujours l’implacable et sourde trépidation des machines, les immobiles et froides constellations, l’ardent et vain chuchotement qu’elle n’écoute sans doute pas, pas plus qu’elle n’est consciente des mouvements nerveux de ses mains qui continuent à pétrir le journal, ne sachant sans doute même plus qu’elle le tient, regardant devant elle dans les ténèbres les faibles reflets jouant sur la surface mouvante et vernie de la mer, tendue, raidie, son pâle profil bleuâtre dans la nuit semblable à du marbre, les yeux secs, fixes, et elle ne répond même pas…

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L’un d’eux se baissait, ramassait sur le plancher quelque exemplaire froissé d’un journal du jour (à quelques variantes près, ils portaient tous le même titre en lettres énormes (les titre qui étaient en quelque sorte une simple dilatation typographique de mots que les journaux avaient déjà imprimés, ou plutôt que postulait l’ensemble des mots imprimés par les journaux (mais en caractères plus petits) depuis déjà plusieurs semaines – en fait, depuis plusieurs mois – en fait, depuis plusieurs années), comme si, en même temps que les règles de la syntaxe qui leur assignait un ordre pour ainsi dire de bienséante et rassurante immunité, les autres (les autres mots : ceux dont ils étaient habituellement entourés) avaient subitement perdu toute raison d’être, la syntaxe expulsée elle aussi, les manchettes (les manchettes qui dans les jours à venir allaient être suivies de plusieurs autres de taille chaque fois croissante, jusqu’à ce qu’enfin les lettres remplissent la moitié de la page) réduites à l’assemblage de deux ou trois substantifs isolés et démesurément agrandis – les dessins des lettres simplifiés aussi : épaisses, sans pleins ni déliés, simplement grasses, massives – comme à l’intention de myopes ou d’idiots)

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Les paisibles et craintifs cultivateurs ou les paisibles employés de magasin qui étaient docilement venus s’agglutiner à la grille de l’usine à gaz avec à la main leurs petites valises, comme les rescapés de quelque désastre, de quelque cataclysme cosmique, parlant bas, soucieux et jetant autour d’eux des regards inquiets, avaient, en revêtant l’uniforme et en bouclant leurs éperons, revêtu en même temps comme une sorte d’anonyme et viril déguisement à l’abri duquel se donnaient maintenant libre cours une agressive rancœur, défiant ce monde qui moins d’une semaine auparavant était encore le leur et qui maintenant les excluait, les condamnait, les transportait ni plus ni moins que des bestiaux vers quelque inéluctable destin de bestiaux contre lequel ils élevaient sous forme de grossièretés et de chants obscènes une ultime et impuissante protestation.

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Quand tout fut fini, ils se tinrent debout, alignés à la tête de leurs montures dans la boue de mâchefer piétinée, commençant peu à peu à sentir la sueur en train de refroidir sur leurs épaules et dans leur dos. Avec les visières de leurs casques luisant faiblement sous la pluie qui continuait à tomber, leurs visages invisibles, leurs obscures silhouettes engoncées dans leurs longs manteaux et leurs éperons où s’accrochaient de faibles reflets, ils ressemblaient à des sortes d’oiseaux aux plumages détrempés, pourvus de becs et d’ergots de fer, qu’on aurait plantés là, espacés régulièrement comme sur un jeu d’échecs auprès de leurs bêtes apocalyptiques aux longs cous pendants, comme accablées sous le poids de la pluie qui collait peu à peu les poils en tâches sombres s’agrandissant lentement de part et d’autre des crinières tondues et sur les croupes. De temps à autre, la lumière d’un fanal révélait les petits cercles d’argent qui semblaient éclore, disparaissaient et se reformaient sans fin à la surface des flaques d’eau noire.

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Cela se produisit tout à coup, à partir du moment où il se trouva de nouveau monté sur ce cheval (celui dont le cavalier furibond lui avait tendu les rênes), comme si cette pellicule visqueuse et tiède qu’il avait essayé d’enlever de son visage en l’aspergeant d’eau froide s’était aussitôt reformée, plus imperméable encore, le séparant du monde extérieur, de l’épaisseur d’un verre de vitre à peu près estima t-il, si tant est que l’on puisse estimer la fatigue, la crasse et le manque de sommeil par référence à une vitre.

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Il ne découvrit rien d’autre à leur suite que les deux estafettes pédalant paresseusement, décrivant des S pour se maintenir à la même allure que les chevaux au pas, comme deux cyclistes pris de boisson, titubant, ou plutôt comme somnolents eux aussi, comme si tout se déroulait au ralenti, de sorte que plus tard, quand il essaya de raconter ces choses, il se rendit compte qu’il avait fabriqué au lieu de l’informe, de l’invertébré, une relation d’événements telle qu’un esprit normal (c’est-à-dire celui de quelqu’un qui a dormi dans un lit, s’est levé, lavé, habillé, nourri) pouvait la constituer après coup, à froid, conformément à un usage établi de sons et de signes convenus, c’est-à-dire suscitant des images à peu près nettes, ordonnées, distinctes les unes des autres, tandis qu’à la vérité cela n’avait ni formes définies, ni noms, ni adjectifs, ni sujets, ni compléments, ni ponctuation (en tout cas pas de points), ni exacte temporalité, ni sens, ni consistance, sinon celle, visqueuse, trouble, molle, indécise, de ce que lui parvenait à travers cette cloche de verre plus ou moins transparente sous laquelle il se trouvait, les coups de canon comme au ralenti eux aussi, sans hâte…

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L’une pas encore une vieille femme, encore jolie, et même belle, si la beauté est le contraire de la coquetterie et de la futilité, avec son visage régulier, droit, un peu carré…

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Rien d’autre, donc, que ces vagues récits (peut-être de seconde main, peut-être poétisant les faits, soit par pitié ou complaisance, pour flatter ou plutôt, dans la mesure du possible, conforter la veuve, soit encore que les témoins – ceux qui s’étaient trouvés là ou ceux qui avaient répété leurs récits – se soient abusés eux-mêmes, glorifiés, en obéissant à ce besoin de transcender les événements auxquels ils avaient plus ou moins directement participé : on a ainsi vu les auteurs d’actions d’éclat déformer les faits pourtant à leur avantage dans le seul but inconscient de les rendre conformes à des modèles préétablis)…

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Plus tard seulement : quand il fut à peu près redevenu un homme normal – c’est-à-dire un homme capable d’accorder (ou d’imaginer) quelque pouvoir à la parole, quelque intérêt pour les autres et lui-même à un récit, à essayer avec des mots de faire exister l’indicible...




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