Tuesday, January 17, 2006

LE-BREAKFAST-DU-CHAMPION

Kurt Vonnegut Jr

Edition originale: Breakfast of Champions
Editions J’ai Lu, 1974

Extraits

J’ai tendance à considérer les êtres humains comme de gros tubes à essai, en matière plastique, remplis à l’intérieur de substances chimiques en réaction.

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Quand je crée un personnage de roman, je suis fortement tenté de penser qu’il est comme il est à cause de petites erreurs de connexion, ou du fait de quantités microscopiques de substances chimiques que j’ai avalées, ou oublié d’avaler, justement ce jour-là.

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Je crois que je suis en train d’essayer de me faire une tête aussi vide qu’elle pouvait l’être à mon arrivée sur cette planète ébréchée – il y a de cela cinquante ans.

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S’ils examinaient leurs billets de banque, pour y découvrir un indice des buts que poursuivait leur pays, ils voyaient apparaître, au milieu de diverses autres formes baroques, le dessin d’une pyramide tronquée, surmontée d’un œil brillant. Le président des Etats-Unis lui-même aurait été fort en peine de dire ce que cela pouvait signifier. C’était un peu comme si le pays déclarait à ses citoyens : « La force est dans l’absurdité ».

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1492 : les instituteurs disaient aux enfants qu’il s’agissait là de la date de la découverte de leur continent par des êtres humains. En réalité, en 1492, des millions d’êtres humains vivaient déjà sur ce continent, d’une vie imaginative et bien remplie ; et il s’agissait simplement de la date où des pirates venus de la mer avaient entrepris de les tromper, de les piller, de les exterminer.

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Mais personne ne voulait l’écouter. Il n’était qu’un vieillard crasseux qui criait dans le désert, dans les arbres et dans les broussailles : « Les idées ou l’absence d’idées sont des causes de maladie ».

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Le seul compagnon nocturne de Dwayne était un chien, un labrador, qui répondait au nom de Sparky. A la suite d’une collision fortuite avec une automobile, un certain nombre d’années auparavant, Sparky était devenu incapable de remuer la queue, de sorte qu’il lui était impossible de montrer aux autres chiens à quel point ses intentions pouvaient être amicales. Sans cesse il lui fallait se battre. Ses oreilles étaient en loques. Il était couvert de cicatrice.

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Il disait à Bill que l’humanité méritait d’avoir une mort horrible pour avoir fait preuve de tant de cruauté et pour avoir dévasté une aussi belle planète.

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Kago ignorait que les êtres humains puissent être détruits par une idée aussi aisément que par le choléra ou la peste bubonique. Il n’existait par sur Terre la moindre procédure d’immunisation contre les idées stupides.

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C’étaient des filles de la campagne. Elles avaient grandi dans une région rurale du Sud, où leurs ancêtres avaient longtemps servi de machines agricoles.

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- Pour mon frère, c’est pire encore, poursuivit le conducteur. Il travaille dans une usine de produits chimiques, qui doivent exterminer les plantes et les arbres, au Vietnam.
Le Vietnam était un pays où l’Amérique essayait d’empêcher les populations de devenir communistes, en le arrosant, par avion, de produits divers. Les produits chimiques auxquels le conducteur faisait allusion avaient pour but de défolier la surface du sol, afin qu’il devienne très difficile pour les Communistes d’être hors de vue des avions.
- T’en fais pas pour ça ,dit Trout
- A la longue, il est en train de se suicider, dit le conducteur. On dirait aujourd’hui que les seuls boulots qu’un Américain puisse trouver, c’est quelque chose qui, d’un façon ou d’une autre, le conduit au suicide.
- Excellente remarque, répondit Trout.

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Il avait depuis longtemps cessé de se tourmenter à propos de la façon dont les choses devraient se présenter sur la planète, par contraste avec ce que l’on y voyait en réalité. Pour la Terre, il n’y avait pas d’autre moyen d’exister que la façon dont elle existait réellement.
Tout y était nécessaire. Il vit une vieille femme blanche en train d’explorer le contenu d’une boîte à ordures. C’était par nécessité. Il vit un jouet pour la baignoire, un canard en caoutchouc – couché sur le côté sur la grille d’une bouche d’égout. Il fallait qu’il soit là. Et ainsi de suite.

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La serveuse qui s’occupait de Dwayne au Burger Chef était une jeune Blanche de dix-sept ans qui s’appelait Patty Keene. C’était une blonde aux yeux bleus. Pour un mammifère, elle était d’un âge fort avancé. A l’âge de dix-sept ans, la plupart des mammifères sont séniles ou morts. Mais Patty appartenait à une espèce de mammifères qui se développait très lentement, de sorte que le corps dont elle se servait arrivait à peine à maturité.

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Il paraissait à présent à peu près aussi aimable et détendu qu’in serpent à sonnette enroulé sur ses anneaux. C’étaient évidemment les substances chimiques nocives qui le contraignaient à prendre cette apparence. Le Créateur de l’Univers lui a attaché une crécelle à la queue. Le Créateur lui a également donné des dents de devant qui sont des seringues hypodermiques remplies d’un poison mortel.
Il arrive parfois que je m’interroge sur les desseins du Créateur de l’Univers.

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Dans ce bar, contemplant à travers mes vides un monde de mon invention, je murmurai tou bas : schizophrénie.
Le mot m’avait fasciné depuis des années par son aspect et sa sonorité. Il me semblait entendre et voir un être humain humer l’air dans un blizzard de bulles de savon.
Je n’étais pas sûr – et ne le suis toujours pas – d’être vraiment atteint de cette maladie. Je ne savais qu’une chose : j’étais horriblement tourmenté de ne pouvoir concentrer mon attention sur des détails de la vie qui ont une importance immédiate, et de refuser de croire ce que croyaient mes voisins.

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La serveuse m’apporta une autre consommation. Elle aurait voulu rallumer ma lampe-tempête, et je ne voulais pas.
- Comment pouvez-vous y voir dans le noir, avec vos lunettes de soleil ? me demanda-t-elle.
- Tout le spectacle est dans ma tête.

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Kilgore Trout avait écrit une nouvelle, dont le sujet était un dialogue entre deux micro-levures. Celles-ci discutaient ensemble des buts essentiels de l’existence, tout en mangeant du sucre et en étouffant dans leurs excréments. Du fait de leur intelligence limitée, elles n’arrivaient jamais à comprendre qu’elles étaient en train de fabriquer du champagne.

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Trout se rendait également compte de ma présence. Et cela le mettait plus mal à l’aise que le regard de Dwayne. La raison en était que, parmi tous les personnages que j’avais créés, Trout était le seul à avoir assez d’imagination pour soupçonner qu’il pouvait être lui même la création d’un autre être humain. Il avait plusieurs fois envisagé cette éventualité, au cours de ses conversations avec son perroquet. Il lui disait, par exemple :
Bon Dieu, Bill, de la façon dont les choses se présentent, je ne peux pas m’enlever de la tête que je suis un personnage dans le livre d’un type qui a voulu raconter l’histoire de quelqu’un qui aura passé sa vie à souffrir.

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Disons incidemment que nous sommes, tous autant que nous sommes, collés à la surface d’une boule. La planète est sphérique. Personne n’a jamais pu savoir pourquoi nous n’en tombons pas, même si tout un chacun se flatte vaguement de le comprendre.
Les plus malins ont parfaitement compris que l’une des meilleures façons de s’enrichir est de posséder une portion convenable de la surface où tout le monde doit rester collé.

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Vous êtes démoralisé, comment ne le seriez vous pas ? C’est évidemment une chose éreintante que d’avoir sans cesse à raisonner dans un univers qui n’a jamais été fait pour être raisonnable.

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Vos parents étaient des machines combattantes et des machines qui s’apitoyaient sur leur sort, poursuivait le livre. Votre mère avait été programmée pour reprocher sans cesse à votre père d’être une machine à sous détraquée, et votre père avait été programmé pour reprocher à sa femme d’être une machine ménagère hors d’état de fonctionner. Ils avaient été programmés tous deux pour s’accuser réciproquement d’être des machines à faire l’amour défectueuses.
De plus, votre père avait été programmé pour quitter la maison en claquant la porte, ce qui, automatiquement, transformait votre mère en machine larmoyante. Et votre père allait s’attabler dans un bistrot, pour s’y saouler en compagnie d’autres machines biberonnantes ; ensuite, toutes les machines titubantes s’en allaient ensemble au bordel afin d’y louer des machines à baiser. Ensuite, votre père retournait péniblement à la maison, pour se transformer en pitoyable machine à excuses. Et votre mère mettait beaucoup trop longtemps à devenir une machine pardonnante.

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De nombreuses personnes, à Midland City, plaçaient des objets provenant de Hawaii, ou de Mexico, ou d’autres endroits similaires, sur des tables de salon, sur des commodes, ou sur une quelconque étagère – et l’on appelait ce genre d’objets des sujets de conversation.


READ DURING WEEK 50/05


2 comments:

Anonymous said...

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Anonymous said...

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