Thursday, November 15, 2007

RAFFLES-HOTEL


Ryu Murakami
Raffles Hotel

1998, Edition Philippe Picquier / 1989, Shueisha Inc.
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___________________________________________Extractions__________


Il fait une drôle de tête ce photographe, c’est sans doute sa spécialité, de faire une drôle de tête tout le temps, la deuxième chose que je déteste le plus au monde, c’est qu’on se trompe sur mon compte, et la première, c’est qu’on croie me comprendre.

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Un cadavre, ça a un air affreusement administratif, ça ne veut plus rien dire, et moi aussi, si je veux mettre les choses au pire, je dois devenir complètement administratif, quand je regarde dans le viseur, mon cœur ne doit pas avoir le moindre soubresaut quand il y a un enfant au dos ulcéré de brûlures de l’autre côté de mon objectif, et quand je suis revenu au Japon, tu sais, ici, dans les magazines, ou à la télé, on voit beaucoup d’images de mariages, ou de divorces d’artistes célèbres, je me suis dit ah oui eh bien si c’est ça, la paix, c’est hideux et c’est triste, tu ne trouves pas ?

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Elle était exaspérée de voir que je me comportais normalement envers cette maquilleuse. Comme je l’avais rencontrée le matin même et avais à peine échangé quelques mots avec elle, ce n’est pas que je me comportais comme s’il n’y avait rien, mais bel et bien parce qu’il n’y avait rien entre nous, seulement Moeko refusait absolument de comprendre ça.

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Il faut entretenir avec la nostalgie, cet ennemi du genre humain, le même type de relation qu’avec une femme stupide et laide, autre ennemi du genre humain : il faut se coller un sourire faux sur le visage.

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Regarde le ciel, ai-je dit à Kariya qui était en train de préparer deux Wild Turkey on the rocks. Il est plein d’étoiles. Mais en fait, comme elles sont très éloignées les unes des autres, les étoiles sont solitaires, et un ciel plein d’étoiles, c’est un monde de faux-semblants, tu comprends ?

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Je ne crois pas avoir jamais rencontré quelqu’un de triste à Singapour. Ici tout le monde vit sans souci et a le rire facile. Le concept de mélancolie n’a pas pris racine dans ce pays. Ce n’est pas que les gens s’efforcent de ne pas être tristes, c’est plutôt cette émotion-là qui ne veut pas d’eux.

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Coucou, me voilà, a-t-elle dit en levant la tête vers le ventilateur du plafond. Je n’arrivais pas à déterminer ce qu’elle avait de bizarre au juste. Ce n’était pas rare chez elle de s’amuser à converser avec un miroir, une table, un téléphone ou un chandelier, mais saluer un ventilateur avait je ne sais quoi de peu naturel. Evidemment Moeko a horreur plus que tout au monde de faire une différence entre naturel et pas naturel. Elle avait l’habitude de me dire : le naturel, ça n’existe pas, si tu connais la moindre attitude sociale qui soit naturelle, tu peux me le dire.




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