Thursday, July 13, 2006

LE-BERCEAU-DU-CHAT

Kurt Vonnegut Jr

Edition originale, Cat’s Cradle, 1963
Le berceau du chat, Editions du Seuil, 1972


Extractions

Laisse le foma* diriger ta vie. Il te fait brave et agréable, il te rend bien portant et heureux ». *Foma : ensemble de mensonges sans danger
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Dans un album de coupures de presse que ma sœur Angela tenait à jour, on voyait un extrait du magazine Time dans lequel quelqu’un demandait à papa à quoi il jouait pour se détendre. « Pourquoi m’encombrerais-je de jeux préfabriqués, répondait mon père, quand il y en a tant de réels autour de moi ? »

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Franck avait raison. Papa a passé la tête à la fenêtre et nous a regardés. Angela et moi en train de nous rouler par terre en braillant sous le regard de Franck hilare. Le pater a rentré la tête et n’a jamais demandé par la suite les raisons de ce tapage. Il n’était pas spécialiste des êtres humains.

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Que le monde souffrait, reprit-elle en hésitant, de ce que les hommes étaient encore superstitieux au lieu d’être scientifiques. Il a dit que si chacun se consacrait plus à l’étude de la science, le monde se porterait mieux.

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Avant ça, c’était le Salon Pompéi, avec des moulages en plâtre partout. Ils peuvent bien changer le nom du bar, ils n’ont jamais changé cette connerie d’éclairage. Ni les cons qui le fréquentent, ni cette connerie de ville.

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Elle se détourna pour examiner le Dr. Breed, d’un regard de reproche impuissant. Elle haïssait ceux qui pensaient trop. A ce moment là, elle me donna très nettement l’impression d’être assez représentative de presque toute l’humanité.

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Il me dit s’appelait Marvin Breed.
« Le monde est petit, dis-je ».
- Quand on le fourre dans un cimetière, oui. » Marvin était gras et vulgaire, malin et sentimental.

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Je sais bien qu’il était réputé inoffensif, doux et rêveur, qu’il n’aurait pas fait de mal à une mouche, qu’il se moquait de l’argent, de la puissance, des beaux vêtements, des automobiles et de tout le reste, bref, qu’il n’était pas comme nous, qu’il était meilleur que nous tous, et si innocent qu’il aurait pu être Jésus – le truc du Fils de Dieu mis à part…

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Selon Bokonon, un wrang-wrang est une personne qui fait dévier le cours des spéculations d’une autre personne en réduisant ce cours, par l’exemple de sa propre vie, à une absurdité.

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H. Lowe Crosby était d’avis que les dictatures sont parfois d’excellentes choses. Il n’était ni méchant ni sot. Il trouvait commode d’affronter le monde avec des manières de comique amateur ; cependant, une grande partie de ce qu’il avait à dire au sujet du manque de discipline de l’humanité n’était pas seulement drôle, mais vrai.
Là où sa raison et son sens de l’humour l’abandonnaient soudain, c’est lorsqu’il abordait la question de savoir ce que les hommes étaient véritablement censés faire de leur temps sur terre.

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Il croyait fermement que leur raison d’être ici-bas était de construire des bicyclettes pour lui.

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Bokonon tenait pour vrai que l’on peut bâtir de bonnes sociétés rien qu’en opposant le bien et le mal et en gardant à tout moment une tension très élevée entre les deux.

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Oh oui, de biens pauvres hères
J’ai trouvé là-bas.
De musique ils n’avaient guère
Pas plus que de bière.
Et ils erraient tous falémiques
Parce que la vie n’est pas douce
Dans un pays dont chaque pouce
De terrain
Appartient
A castle Sugar, Inc. Et à l’église catholique.
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Crosby avait trop bu. Il avait atteint ce stade où les ivrognes s’imaginent pouvoir parler en toute franchise à condition de le faire affectueusement.

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Mais ce qui m’intéressait, c’étaient les quelques-uns des mots choisis par Bokonon en 1929 pour remplir les « espaces réservés à cet effet ». Chaque fois qu’il en avait eu la possibilité, il avait adopté le point de vue de Sirius, prenant par exemple en considération des éléments cosmiques tels que la brièveté de la vie et la longueur de l’éternité.
A la question « Profession », il avait répondu : « Etre vivant. »
A « Principale occupation », il avait répondu : « Etre mort. »

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Elle improvisa sur la musique créée par le fils du garçon pullman, passant d’un lyrisme fluide à des raucités lascives, aux stridences capricieuses d’un enfant apeuré, à un cauchemar de grand drogué.

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- J’ai aussi eu un Yacht autrefois, savez-vous ?
- Je ne vous suis pas.
- C’est une raison pour être plus gai que la majorité des gens, d’avoir un yacht.

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Cet édifice soulevait la même question que tous les entassements de pierre analogues : comment des hommes chétifs et souffreteux avaient-ils pu déplacer des pierres aussi grosses ? Et comme tous les entassements de pierre, celui-ci répondait de lui-même à la question. Seule une terreur aveugle avait pu déplacer d’aussi grosses pierres.

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Ainsi que nous l’enseigne Bokonon, « On ne se trompe jamais en disant au revoir ».

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- Les habitants de San Lorenzo, me dit le père, ne s’intéressent qu’à trois choses : la pêche, la fornication et le bokonisme.
- Vous ne croyez pas qu’on pourrait les intéresser au progrès ?
- Ils en ont vu certains aspects. Mais il n’y en a qu’un qui les emballe vraiment.
- Qu’est-ce que c’est ?
- La guitare électrique.


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Et je me rappelai le Quatorzième Livre de Bokonon, que j’avais lu intégralement la veille. Le Quatorzième Livre est intitulé « Existe-t-il, pour un Homme Réfléchi, une Seule Raison d’Espérer en l’Humanité sur Terre, Compte Tenu de l’Expérience du Dernier Million d’Années ? »
Le Quatorzième Livre n’est pas long à lire. Il consiste en un seul mot : « Non. »

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Quand nous commémorons les guerres, nous devrions peut-être arracher nos vêtements, nous peindre en bleu et marcher à quatre pattes toute la journée en grognant comme des porcs. Ce serait sûrement plus approprié que les grands discours et les étalages de drapeaux et de canons bien huilés.

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Cette jeune fille n’était pas intéressée par la reproduction – elle en détestait l’idée même. Avant même la fin de la mêlée, elle m’avait clairement laissé entendre – et je le croyais aussi – que c’était moi l’inventeur de cette entreprise singulière par laquelle, à grand renfort de grognements et de transpiration, on procède à la création de nouveaux être humains.

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Je m’éloignais de Franck, ainsi que les Livres de Bokonon me le conseillaient. « Méfiez-vous de celui qui travaille dur pour apprendre quelque chose et qui, l’ayant appris, ne se trouve pas plus sage qu’auparavant, nous dit Bokonon. Celui-là nourrit un ressentiment meurtrier contre ceux qui sont ignorants sans avoir eu à se donner du mal pour atteindre l’ignorance. »


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11 comments:

Anonymous said...

L'ignorance, prise ds le sens où elle peut être enseignée ici, est la merveilleuse ignorance, le suprême de la volaille...

D'Arcy said...

L'ignorance est un don. ceux qui n'y arrivent pas se sentent aigris.
J'aime cette idée aux antipodes, qui renforce justement l'antipode, mais qui séduit aussi de son propre côté.

Combien de fois se dit-on qu'il ne vaut mieux rien savoir aussi...

Anonymous said...

Aigris est l'antipode de grisés mais ni les uns ni les autres, finalement, ne fonctionnent. Ou si peu...

Le mieux, comme je crois q t le penses, c'est le détachement, pr prendre ds la merveilleuse ignorance, comme l'enfant q ne désire q des choses vagues... au mieux pr q les choses restent c qu'elles sont : pas grand'chose.... et à relativiser.

"on n s trompe jamais en disant au revoir" ?
J'aime-assez !
- assez !

D'Arcy said...

J'aime assez aussi; tomber sur des vérités comme celles-là, qui sont encore plus simples que toutes celles auxquelles on a pu penser jusqu'à maintenant...

Anonymous said...

PS. Le 2ème "assez" est de trop, reliquat du clavier.

"on n s trompe...au revoir" c'est parfait p le 10 Juillet surtout, en blague ailleurs... Hasard ou destinée ? quand les dés sont pipés, si tu comprends..

D'Arcy said...

Qui est parti le 10 juillet ?
Des dès pipés ?
je n'arrive pas à te suivre, explain please...

Anonymous said...

Laisse tomber, ça m'a fait penser à quelque chose, ailleurs...

On se dit au revoir ?

D'Arcy said...

seulement si ce n'est pas la verite...

Anonymous said...

Alors, à bientôt puisque tt est vrai ...

Pas de blague, superbe aussi, ce blog !
et tu lis Karl Sagan, j'ai lu un peu ce qui le concerne et vu le film Cosmos . J'aime infiniment les biographies.

D'Arcy said...

J'ai fait ce blo parce que je trouve mauvais les gens qui donnent leur opinion sur les bouquins, c'est mieux de se faier une opinion tout seul, sans filtre. Si les passages que j'ai aimé peuvent aider les gens, ne serait-ce qu'a decouvrir le style et les idees d'un auteur, et me decouvrir aussi un peu (personne ne releverait les memes passages c'est a parier... ou alors....). Qu'ils achetent ou non le bouquin n'est pas mon probleme, apres.

Ce blog me sert aussi de memo, je me rend compte que j'ai oublie le contenu de certains bouquins que j'ai lu il y a longtemps, et ça me faisait flipper. Le simple fait de lire et annoter un bouquin, pour revenir dessus une fois le livre terminé et tapper les passages que j'ai trouvé intéressants permet aussi de figer en moi un ressenti du livre, qui vit beaucoup plus longtemps en moi.

D'Arcy said...

Au fait, Delie, tres joli coup d'oeil pour avoir su reperer K. Sagan.....