Saturday, March 25, 2006

PORTRAIT-DE-L'ARTISTE-EN-JEUNE-FOU

Philip K. DICK


Edition Originale: Confessions of a Crap Artist, 1975
Editions 10/18, Domaine Etranger, 1982

Extractions

Au cours d'une conversation, en 1974, Dick me disait: "A vrai dire, je n'ai jamais très bien compris l'idée d'un protagoniste unique... Pour moi, les problèmes sont multipersonnels, ils nous concernent tous; un problème strictement personnel, ça n'existe pas... C'est seulement une forme d'ignorance, quand je me réveille le matin, que je trébuche contre un fauteuil et me casse le nez, que je suis fauché et que ma femme m'a quitté - C'est mon ignorance qui me fait penser que je suis l'univers tout entier et que ces misères me sont propres et n'affectent en rien le reste du monde. Si je pouvais le contempler du haut d'un satellite, ce monde, je verrais, dans s totalité, chaque être humain en train de se lever et, d'une façon plus ou moins analogue, de trébucher contre un fauteuil et de se casser quelque chose."


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Je suis composé d'eau. Personne ne peut s'en apercevoir, parce qu'elle est contenue à l'intérieur. Mes amis sont composés d'eau eux aussi. Tous autant qu'ils sont. Notre problème, c'est que nous devons non seulement circuler sans être absorbés par le sol, mais également gagner notre vie.


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Quand j'ai fini de resculpter un pneu, il n'a absolument pas l'air d'avoir été fait à la main. Il est rigoureusement semblable à un pneu sculpté par la machine, et pour un resculpteur, c'est le sentiment le plus satisfaisant du monde.


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-Est-ce qu-on peut attraper des maladies vénériennes en touchant des lampadaires ou des boîtes aux lettres? me demanda Charley.
-On peut, si on a l'esprit à ça, répliquai-je.


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Lorsque je lui demandai pourquoi il disait ça, il répondit qu'il savait foutre bien que Jack n'était pas forcé de se conduire de cette façon; s'il le faisait, c'est qu'il le voulait bien. Pour moi, ce subtil distinguo n'avait aucun sens, mais Charley accordait toujours beaucoup d'importance à ce genre de choses.


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Jusqu'alors, il avait paru incapable d'imaginer la guerre comme un événement réel, ni même le monde dans lequel se déroulait la guerre. Il n'avait jamais pu faire la différence entre ce qu'il lisait et ses expériences vécues.


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Entre le bon sens et l'absurde, il préférait l'absurde. Il pouvait très bien faire la différence - mais son goût le portait vers les inepties; il s'en bourrait de façon systématique. Comme un quelconque abruti du Moyen Age apprenant par coeur toute l'absurde théorie de saint Thomas d'Aquin sur l'univers.


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Un enfant est un animal crasseux et amoral, sans instinct ni bon sens, qui souille son propre nid dès qu'il en a l'occasion.


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Ex-membre d’une association d’étudiantes, épouse d’un homme fortuné, vient s’installer à Marin County, crée un groupe de danse moderne. La culture à la portée des paysans et des vaches.


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J’étais désolée de les voir partir, mais en même temps, cette rencontre entre eux et nous m’avait, en fin de compte, déçue. Il n’en était rien sorti d’important ; Dieu seul sait d’ailleurs que je ne savais pas ce que j’en avais attendu.


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Elle me foudroyait du regard, avec cette expression mi réelle mi-feinte, que je connaissais si bien ; elle avait une telle façon de mélanger une affirmation sérieuse et l’ironie qu’on ne pouvait jamais savoir si elle parlait sérieusement.


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Au bout d’un certain temps, elle réussit à le convaincre que quelque chose clochait chez lui s’il éprouvait le besoin d’aller se soûler la gueule et de lui cogner dessus quand il rentrait à la maison ; au lieu d’y voir un simple moyen d’ouvrir la soupape ; elle parut considérer ce comportement comme le symptôme d’un vice profond chez lui, et même dangereux.


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En bonne cloche qu’il était, Charley rouspétait parce qu’elle allait chez le docteur et en même temps prenait pour parole d’évangile tout ce qu’elle lui répétait de ses séances. Un type qui se faisait payer vingt dollars l’heure était forcément qualifié.


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Il avait envers elle la même attitude qu’envers un livre ou un journal ; il pouvait éventuellement renâcler et protester, mais en fin de compte, ce que le livre ou le journal disait était vrai. Il n’avait aucune confiance en ses propres idées. Comme tous les autres, il se reconnaissait lui aussi comme une cloche de première catégorie.


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Quand il reprit conscience, il était couché dans un grand lit, le visage et le corps rasés. Ses mains, ses doigts sur les draps, ressemblaient aux doigts roses d’un cochon. Je suis devenu un cochon, pensa-t-il. Ils m’ont enlevé tous mes poils et ont frisé ce qui restait ; ça fait longtemps que je pousse des grognements.


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Quand elle n’aime pas faire quelque chose, elle ne le fait pas. Elle trouve quelqu’un d’autre pour s’en charger. Je ne l’ai jamais vue faire quelque chose qui lui déplaisait. C’est ça, sa philosophie. Vous devez bien le savoir ; vous discutez toujours philosophie avec elle.


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Le Christ venait d’une autre planète. D’une race plus évoluée. La terre est la planète la plus arriérée de l’univers.


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Mme Mayberry entreprit alors de me donner des détails. Elle les avait eus indirectement, mais paraissait les croire exacts. En fait, elle les tenait de la femme du jeune pasteur vivant à Point Reyes Station. Ceux du groupe des soucoupes volantes étaient de toute évidence persuadés qu’ils allaient être arrachés à la Terre et embarqués pour le cosmos juste avant la catastrophe. Jamais de ma vie je n’avais entendu de pareilles conneries, jamais.


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Glissant le canon du revolver dans sa bouche, il pressa la détente.
Une lumière jaillit. Et non pas un son. Il vit, pour la première fois. Il vit tout. Il vit comment elle l’avait manœuvré. Comment elle l’avait amené là.
Je vois, dit-il.
Oui, je vois.
En mourant, il comprit tout.


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Je n’assistais pas à la cérémonie, parce que le corps est le tombeau de l’âme, comme l’a dit Pythagore, et qu’en naissant, un être a déjà commencé à mourir.


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La déraison du commun des hommes met la science en échec. Les états d’âme de la masse sont insondables ; c’est un fait.


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Si vous suiviez un traitement psychiatrique, vous auriez beaucoup moins de problèmes. Voyons les choses en face. Il avait emprunté cette formule « voyons les choses en face » à ma sœur. C’est intéressant de voir l’influence que peut exercer sur quelqu’un le vocabulaire d’une autre personne. Tous ceux qui ont eu affaire à elle finissent par dire ça ainsi que, « de toute mon existence », et « Seigneur Dieu ». Sans parler de ses expressions véritablement ordurières.


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D’après la Bible, quand viendra la fin du monde les morts se lèveront de leurs tombes au son de la dernière trompette. En fait, c’est une des façons de savoir que la fin du monde arrive, quand les morts se lèvent de leurs tombes.


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Non seulement Charley Hume n’était pas revenu à la vie, mais la fin du monde ne s’était pas produite, et je me rendis compte de Carley, il y avait bien longtemps, avait eu raison à mon sujet, en affirmant que j’étais le roi des cons. Tous les faits que j’avais enregistrés étaient de la connerie pure et simple.


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Donc, à mon avis, je ne devrais pas être la seule personne accusée de croire à des notions manifestement ridicules. Tout ce que je veux, c’est que le blâme soir réparti de façon équitable. Pendant une journée et quelques, j’ai envisagé d’écrire aux journaux de San Rafael et de leur raconter l’histoire sous forme de lettre au directeur. Après tout, ils sont obligés de la publier. C’est leur devoir en tant que service public. Mais en fin de compte, j’ai changé d’avis. Au diable les journaux. Personne ne lit les lettres au directeur, sauf d’autres dingues. En fait, le monde entier est peuplé de dingues. De quoi vous saper complètement le moral.

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5 comments:

Anonymous said...

Hmm I love the idea behind this website, very unique.
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Anonymous said...

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Anonymous said...

Et quand c'est la machine qui sculpte comme si c'était un humain qui sculpte, tu ne trouves p ça encore plus incroyable ? On va finir bionique, ç'est ça l'être de demain !
Semelles de plomb.

Anonymous said...

"Glissant le canon..."
On ne comprend qu'à la fin : dernière minute, dernière seconde,
Trop tard ! (Elie Wiesel)

trop tard p moi, p nous, et p tous...

D'Arcy said...

PK Dick a écrit des bouquins loin d'être inintéressant en dehors de la science-fiction... il avait une très bonne perception de l'humain, et des remarques forts intéressantes sur les femmes et leur psychologie...